Thursday, November 04, 2010

Poème de Clementia : Ne vaut-il pas mieux être mort qu'esclave (version complète)




Ne vaut-il pas mieux être mort qu’esclave


« Liewer tod as sklaw – plutôt mort qu’esclave »
(devise de la ville de Guebwiller)

« Potiam mori quam foedari – plutôt mort que failli »
(devise de la Duchesse Anne de Bretagne)


Comme un poisson rouge à la morne vie ennuyeuse,
Je me heurte aux froides parois glauques et glacées
Du monde immonde qui est pour moi un aquarium.
Routine sans issue dans le carcan de béton,
Quotidiennes corvées à l’infini répétées…
Je nage entre schizophrénie et misanthropie :
Celle que je suis et celle que je voudrais être
Ne peuvent pas s’accepter et n’aiment plus personne.
Pourtant il faut continuer dans le mortel ennui
De ma vie compliquée dont je ne vois pas l’issue,
Cet étouffant carcan où je ne puis être moi.
Et me revient alors en mémoire la devise
De la ville où j’ai grandi, «  Vivre libre ou mourir ».
Le poisson rouge de mon enfance se jetait
Hors de sa triste prison à chaque pleine lune.
Nous le sauvions à temps, mais l’image m’est restée.
Maintenant je tourne sans espoir dans cette vie,
Solitaire comme en un bocal trop limité,
Et j’ai tellement besoin d’espaces infinis,
De ciel bleu et d’air pur comme dans mes rêveries.

Pour moi chanter toujours c’était comme respirer.
Maintenant comme un pinson dans sa cage rouillée
Je suis envahie par une profonde apathie
Et près de celui qui s’écoute parler,
De ce prétentieux qui veut toujours avoir raison,
Je me sens bien idiote et mes mots se sont taris.
Le pinson devient poisson plus muet qu’une carpe.
Les murs inhumains de la grise tour de béton
Sont pires que les barreaux d’une cage rouillée,
C’est une tour sombre où n’entre pas le soleil.
On me fait croire souvent que je suis inutile
Et on m’a même déjà traitée de parasite.
Alors je me sens parfois un peu comme un boulet
Ou un objet sans âme qui traînerait par là.
Mais c’est surtout cette vie qui est comme un boulet,
Dans ce monde bien triste où je ne fais que survivre,
Comme emprisonnée, sans joies, sans espoir et sans but,
Trop loin de la Nature, sans aucune liberté.

Avant, les livres étaient toujours mes plus grands amis,
Mais depuis que le soleil me manque ma vue baisse,
Et la lecture ne m’offre plus aussi souvent,
Par sa magie, le doux réconfort et l’évasion,
Et une fenêtre sur le monde se referme.
Il y eut un temps où la maison retentissait
De rires d’enfants, du charivari de leurs jeux.
Ils sont partis, abandonnant autos et poupées...
Jouets et livres attendent maintenant, comme moi,
Les petits-enfants qui animeraient la maison.


06 février 2006 – 03 novembre 2010


(note : au moment de sa création, j'avais déjà publié sur ce blog le premier jet de ce poème , que vous pouvez lire en cliquant ici )


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