Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus nombreuses à dénoncer le harcèlement et les abus sexuels dont elles ont été victimes. Dans mon précédent article (Balance ton porc : Moi aussi je dénonce), j'ai parlé du patron qui avait eu un geste déplacé sur moi... Je n'en avais pas parlé à ma maman, et pourtant, elle m'aurait sans doute comprise, vu qu'elle avait aussi, dans sa jeunesse, eu à pâtir du comportement des hommes. Pour les futures générations, elle a rédigé alors qu'elle était déjà grand-mère ses mémoires dans des cahiers (à paraître dans quelques mois). De ses mémoires, voici deux extraits pour "balancer" aussi deux gars qui étaient déjà des hommes mûrs pendant la Seconde Guerre Mondiale :
(...) Ma mère, la quarantaine, commençait
à se sentir vieillir (!) La montagne lui devint trop pénible. Ma sœur avait eu
vingt-et-un ans, six jours avant l’arrivée des troupes allemandes. Est-ce elle
qui me promenait ou moi qui la chaperonnais ? Nous fîmes à deux les
excursions en montagne que nous faisions auparavant avec les parents. Lors
d’une de ces sorties, fin de l’été quarante, nous fîmes, tout au sommet du
Grand-Ballon, la connaissance d’un militaire en gris-bleu, costume de
l’aviation et de la défense aérienne. Il parlait l’allemand avec un drôle
d’accent. Il avait le profil des gens de la montagne, le nez crochu taillé dans
le roc. Félix G. était Tyrolien. Je dois faire ici
un petit cours d’histoire-géographie. Le Tyrol se situe en Autriche. L’Autriche
fut annexée au Grossdeutsches Reich
avant l’Alsace et ses hommes rejoignirent, avant les nôtres, les rangs de
l’armée allemande, malgré eux, comme les nôtres que l’on nomme maintenant les Malgré-Nous. Félix nous en parla.
Dans son beau pays, Wald am Arlberg, il était connu comme hostile à l’occupant.
Ma sœur lui plut. Il plut à ma sœur (!) Il était plus âgé et divorcé. L’idylle
dura quelque temps. Il descendait de temps en temps du Grand Ballon et nous rendait visite à Guebwiller. Je chaperonnais
bravement et très discrètement leurs sorties. J’avais la bonne habitude de
mettre toujours quelque distance entre les amoureux et moi. C’était
parfaitement illogique de ma part après les x
fois qu’elle m’avait joué des tours en mouchardant à ma mère mes menues
sottises. Mais on naît ainsi, trop bon, trop…! Félix était considéré comme un
éventuel futur beau-frère, ni le premier, ni le dernier ! Pourquoi donc,
ai-je, un jour, dû l’accompagner jusqu’au chemin du Ballon ? Il
connaissait pourtant parfaitement le trajet. J’avais treize ans et l’air
godiche avec mon manteau feuille-morte trop petit, mes mi-bas feutrés et
rétrécis et mon chaperon rouge tricoté, dont dépassaient mes éternelles nattes
de gamine. Félix, le candidat beau-frère, sous-bois, seul avec le petit Chaperon Rouge, se sentit devenir Loup. L’homme mûr voulait tenter
l’enfant. Félix voulait m’embrasser. J’ai refusé et laissé à ma sœur toutes ses
illusions quant à l’amour et à la fidélité de l’élu de son cœur du moment.
(...)
Je n’avais pas tout à fait quinze ans, quand j’ai
commencé à travailler. Cependant je n’étais pas trop jeune pour ne pas
risquer les assiduités d’un patron vicieux. Il avait une bonne cinquantaine et
la bedaine qui y correspondait. En travers de son crâne chauve, il dorlotait
une longue et fine mèche ondulée et gominée. Je réussissais – c’était un
passe-temps comme un autre, sa caricature et sa signature. Frey et Hitler aussi
étaient les modèles de mes caricatures. Monsieur H. me demandait souvent de
venir chercher du courrier dans son bureau où il était toujours seul. (...) C’était une hantise ! Toujours et toujours il
cherchait à me peloter. J’avais peur de lui et il me dégoûtait. Il m’est arrivé
de lui taper sur ses pattes vicieuses. Aurais-je pu en parler à ma mère ?
Elle ne m’aurait pas même crue. Cela n’aurait rien changé. J’aurais juste eu
droit à une engueulade de plus.
(extrait des mémoires de Silvie Garayt-Klein - à paraître)
voir aussi, sur ce blog,
un poème que j'ai écrit en automne 2006 sur le même thème :
un poème que j'ai écrit en automne 2006 sur le même thème :
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