Thursday, April 27, 2006

Entre envie et besoin




Entre envie et besoin



Il ne faut pas confondre l'envie et le besoin de bouger. L'envie s'ordonne sourdement, elle hante les rêves nocturnes, les fantasmes éveillés. Elle est alimentée par les médias, la télévision, les émissions "people" ou des stratèges du changement, des professionnels de la volte-face viennent raconter leur méthode.
    
Nos choix, quelles que soient leurs orientations, professionnelles, amoureuses ou sociales, ne sont pas issus du hasard, d'une sorte de coup de pouce qui ferait basculer la roue du destin en fonction d'une simple poussée mécanique, pareille au jeu du loto : quel que soit le montant du chèque encaissé, il est évident que, dans ce cas de figure, le gain obtenu sera sans rapport avec ce que croit la personne, son histoire, ses projets et même sa force physique. En revanche, dans nos choix, tous nos choix, en apparence si spontanés, l'accidentel, le fortuit, le sort tiennent bien peu de place.
Notre inconscient nous mène par le bout du coeur et de la raison. Ce que les politiques appellent la "libre entreprise" et les psychanalystes le "choix d'objet" n'est qu'un leurre, un appeau, cet instrument avec lequel on imite le cri de certains oiseaux au moment de la chasse. Bref, c'est du faux dont, heureusement les "psys" (c'est leur emploi)  ne sont pas dupes. Pour eux, on peut échapper à la fatalité relationnelle, aux nécessités conjoncturelles, à condition d'admettre que ce qui nous arrive ne dépend pas seulement de l'extérieur ou de la destinée, mais d'un réseau complexe ou nos parents, mais aussi nos ancêtres, tous ceux qui nous ont précédés dans la fratrie, ont tissé la toile de ce qui constitue notre biographie aujourd'hui. Ce qu'on construit, on le fait parfois pour épater la galerie, notre famille, nos enfants, nos amis, nos relations, mais pas uniquement.
Notre cénacle intérieur tient aussi de la galerie de portraits, celle des ancêtres, qui balise, en douce, les chemins de notre avenir.
L'envie n'est parfois qu'une volition, un voeu pieux et nécessaire pour continuer à bien vivre, à faire des projets, à se réveiller en forme.
Le besoin, lui, s'ordonne comme une nécessité, réelle ou imaginaire. Il faut absolument quitter son entreprise pour échapper à une tâche monotone. Changer de partenaire ou de compagne parce qu'on a troqué ses lunettes roses du commencement de la passion pour des verres gris.
Derrière ces positions, envie ou besoin, se dessine le désir. Une drôle de bête, une entité psychique difficile à cerner, qui est gouvernée par un capitaine inconnu, l'inconscient.
Comment l'apprivoiser, mieux le connaitre, deviner ce qui se passe, en réalité, derrière le mal de dos récurrent, l'envie de dormir à 10 heures du matin quand on s'est couché la veille à 21h ?
Lorsqu'on oublie régulièrement ses rdv, qu'on perd son porte feuille ou ses clefs de façon systématique ?

La réponse se trouve dans un ouvrage de Freud, "Psychopathologie de la vie quotidienne". On y apprend que la plupart de nos gestes anodins, se gratter la tête ou se mordre l'index, décoller soigneusement le vernis à ongles qu'on vient de poser, tout, absolument tout, possède un sens.
La rencontre oubliée, le rendez-vous raté, l'objet égaré, le mot dit à la place d'un autre, toutes ces absences, ces manquements à ce qui était prévu, inscrit sur un agenda, parfois très longtemps à l'avance, ces trous de mémoire, ces lacunes, constituent des "actes manqués", selon la formule consacrée. Freud écrit : "A celui qui serait tenté de surestimer l'état de nos connaissances actuelles concernant la vie psychique, il n'y aurait qu'à rappeler l'ignorance ou nous sommes en ce qui concerne la fonction de la mémoire, pour lui donner une leçon de modestie. Aucune théorie psychologique n'a encore été capable de fournir une explication générale du phénomène fondamental du souvenir et de l'oublie ; (..) je puis indiquer d'avance le résultat uniforme que j'ai obtenu dans toute une série d'observations : j'ai trouvé notamment que dans tous les cas l'oubli était motivé par un sentiment désagréable". Et pour illustrer son propos, l'auteur rapporte le cas suivant, tiré de l'une de ses séances de psychanalyse.
"Un homme encore jeune me raconte : " Il y a quelques années, des malentendus se sont élevés dans mon ménage. Je trouvais ma femme trop froide, et nous vivions côte à côte, sans tendresse, ce qui ne m'empêchait d'ailleurs pas de reconnaître ses excellentes qualités. Un jour, revenant d'une promenade, elle m'apporta un livre qu'elle avait acheté, parce qu'elle croyait qu'il m'intéresserait. Je la remerciai de son "attention" et lui promis de livre le livre que je mis de côté. Mais il arriva que j'oubliais aussitôt l'endroit où je l'avais rangé. Des mois se passèrent pendant lesquels, me souvenant à plusieurs reprises du livre disparu, j'essayai de découvrir sa place, sans jamais y parvenir. Environ six mois plus tard, ma mère que j'aimais beaucoup tomba malade et ma femme quitta aussitôt la maison pour aller la soigner. L'état de la malade s'aggravant, ce fut pour ma femme l'occasion de révéler ses meilleures qualités. Un jour, je rentre à la maison enchanté de ma femme et plein de reconnaissance envers elle pour tout ce qu'elle avait fait. Je m'approchai de mon bureau, j'ouvris un tiroir sans aucune intention précise, mais avec une assurance toute somnambulique et le premier objet qui me tomba sous les yeux fut le livre égaré, resté si longtemps introuvable"
Objets mystérieusement égarés, omissions variées, comment devons-nous comprendre les lapsus, ces troubles de l'expression si fréquents qui consistent à exprimer exactrement le contraire de ce qu'on avait l'intention de dire ?

"Mon mari peut manger et boire ce que je veux", (au lieu de "ce qu'il veut"), affirme Martine, une jeune femme qui se reconnaît comme étant plutôt autoritaire.

Ou encore :" J'espère avoir désormais le plaisir de vous voir plus rarement", dira affectueusement Joseph à sa belle-mère, dont il juge la présente trop pesante.

Freud, dans un autre ouvrage, "Introduction à la psychanalyse", explique : "(...)les actes manqués ont un sens et indique les moyens de dégager ce sens d'après les circonstances qui accompagnent l'acte. "c'est à dire combien les négligences, les distractions, les inattentions constituent en fait un moyen d'expliquer "rationnellement" ce que nous tenons généralement pour les étourderies les plus anodines.

L'équivalent verbal du "je ne l'ai pas fait exprès" pour l'acte manqué et de "je l'avais sur le bout de la langue" pour le lapsus. Ceux à qui il est arrivé de dire "au revoir" à quelqu'un qui arrivait me comprendront. L'inconscient nous oblige en effet à exprimer tout bas, ce qui devait rester caché de tous, y compris et surtout de nous mêmes. Partant de là, l'acte manqué est, bien entendu, un acte réussi. La fameuse "langue qui fourche", la bizarrerie du comportement surgissent à point nommé pour attirer notre attention sur le désir. Un désir dont la part la plus mystérieuse et la plus sincère souffre de demeurer silencieuse. Mais ces dysfonctionnements d'origine psychique représentent aussi le plus sûr chemin pour accéder à nos vérités profondes.

(Trouvé sur le Net - Source : Livre : CHANGER SA VIE ... Il n'est jamais trop tard pour changer sa vie ...
Auteur : Luce JANIN - DEVILLARS)

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