Saturday, August 13, 2005

Beauté d'un soir - poème de Clementia

 


Beauté d'un soir



Oh ! Qu'il était doux ce soir,
Et qu'il était beau à voir !
Nous aurions voulu rester
Toute la nuit éveillés...

Sous les cieux blancs d'étoiles
Nous écoutions la forêt
Doucement nous murmurer
De divines musiques.

Il devait faire froid,
Mais nous nous sentions bien,
Nous étions heureux
D'être là ensemble.

Au loin la rivière chantait,
Passant dans la sombre forêt ;
Nous vivions un beau rêve,
Une illusion si brève !
Oh ! Qu'il était doux ce soir !


© Clementia (1970)               


Un poème de Victor Hugo : "Chanson"


 

Chanson

Si vous n'avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi ?
Pourquoi me faire ce sourire
Qui tournerait la tête au roi ?
Si vous n'avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi ?

Si vous n'avez rien à m'apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main ?
Sur le rêve angélique et tendre,
Auquel vous songez en chemin,
Si vous n'avez rien à m'apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main ?

Si vous voulez que je m'en aille,
Pourquoi passez-vous par ici ?
Lorsque je vous vois, je tressaille :
C'est ma joie et c'est mon souci.
Si vous voulez que je m'en aille,
Pourquoi passez-vous par ici ?



Victor Hugo          


Chant d'amour - Alphonse de Lamartine


Chant d'amour I

Si tu pouvais jamais égaler, ô ma lyre,
Le doux frémissement des ailes du zéphyre
À travers les rameaux,
Ou l'onde qui murmure en caressant ces rives,
Ou le roucoulement des colombes plaintives,
Jouant aux bords des eaux ;

Si, comme ce roseau qu'un souffle heureux anime,
Tes cordes exhalaient ce langage sublime,
Divin secret des cieux,
Que, dans le pur séjour où l'esprit seul s'envole,
Les anges amoureux se parlent sans parole,
Comme les yeux aux yeux ;

Si de ta douce voix la flexible harmonie,
Caressant doucement une âme épanouie
Au souffle de l'amour,
La berçait mollement sur de vagues images,
Comme le vent du ciel fait flotter les nuages
Dans la pourpre du jour :

Tandis que sur les fleurs mon amante sommeille,
Ma voix murmurerait tout bas à son oreille
Des soupirs, des accords,
Aussi purs que l'extase où son regard me plonge,
Aussi doux que le son que nous apporte un songe
Des ineffables bords !

Ouvre les yeux, dirais-je, ô ma seule lumière !
Laisse-moi, laisse-moi lire dans ta paupière
Ma vie et ton amour !
Ton regard languissant est plus cher à mon âme
Que le premier rayon de la céleste flamme
Aux yeux privés du jour.


Alphonse de Lamartine     

 



Trois p'tits minous - comptine enfantine

 



Trois p'tits minous

Trois p'tits minous avaient perdu leurs mitaines
S'en vont trouver leur mère
Maman nous avons perdu nos mitaines
Perdu vos mitaines ?
Vilains p'tits minous
Vous n'aurez pas de crème !


Trois p'tits minous
avaient r'trouvé leurs mitaines
s'en vont trouver leur mère
Maman nous avons r'trouvé nos mitaines
Retrouvé vos mitaines ?
Gentils p'tits minous
Vous aurez plein de crème!


chanson enfantine          




Friday, August 12, 2005

Le chat et le soleil - poème de Maurice Carême

 



Le chat et le soleil


Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta,

Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.


Maurice Carême       


Mon petit chat - poème de Maurice Carême

 



Mon petit chat


J'ai un petit chat
Petit comme ça,
Je l'appelle Orange.

Je ne sais pourquoi
jamais il ne mange
Ni souris ni rat

C'est un chat étrange
Aimant le nougat
et le chocolat.

Mais c'est pour cela,
dit tante Solange
Qu'il ne grandit pas


Maurice Carême       


Epitaphe d'un chat - poème de Joachim du Bellay

 



Epitaphe d'un chat


Petit museau, petites dents,
Yeux qui n'étaient point trop ardents,
Mais desquels la prunelle perse
Imitait la couleur diverse
Qu'on voit en cet arc pluvieux
Qui se courbe au travers des cieux ;
La tête à la taille pareille,
Le col grasset, courte l'oreille,
Et dessous un nez ébénin
Un petit mufle léonin,
Autour duquel était plantée
Une barbelette argentée,
Armant d'un petit poil follet
Son musequin damoiselet ;
La gorge douillette et mignonne,
la queue longue à la gueunonne,
Mouchetée diversement
D'un naturel bigarrement :
Tel fut Belaud la gente bête
Qui des pieds jusques à la tête,
De telle beauté fut pourvu
Que son pareil on n'a point vu.


Joachim du Bellay       


Le Chat, poème de Charles Baudelaire

 



Le Chat


Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,


Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.



Charles Baudelaire, Les fleurs du mal       


Le Chat (2) - poème de Charles Baudelaire

 



Le Chat
II


De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressé une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.


Charles Baudelaire, Les fleurs du mal      



Le Chat (1) - poème de Charles Baudelaire

 



Le Chat
I


Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix qui perle et qui filtre,
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a plus besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal     


Les chats - poème de Charles Baudelaire

 


Les Chats



Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;

Leurs reins féconds sont plein d'étincelles magiques
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.



Charles Baudelaire, Les fleurs du mal     



Le chat bourgeois - poème de Jean Anouilh

 



Le chat bourgeois


Un chat tuait sans vrai désir.
C'était un chat très riche et il n'avait pas faim
Il faut bien se distraire enfin :
Chat bourgeois a tant de loisirs...
On ne peut pas toujours dormir sur un coussin.

De souris, il ne mangeait guère ;
Son pedigree fameux l'ayant mis au dessus
Des nourritures du vulgaire.
Son régime était strict. Cet immeuble cossu,
En outre visité, à des dates périodiques,
Par les services de la dératisation,
Gens aux procédés scientifiques,
Tuant sans joie ni passion,
Au nom de I'administration,
De rat, de vrai bon rat, qui fuit et qu'on rattrape
Négligemment, ne le tuant qu'à petits coups
Sans tuer son espoir - vrai plaisir de satrape -
Il n'y en avait plus du tout
Avec leurs poisons et leurs trappes.
Restaient quelques moineaux bêtes et citadins,
Race ingrate
Qu'on étendait d'un coup de patte :
Assez misérable fretin.
Oubliant les rats,
L'employé du service d'hygiène ne vint pas.
On l'avait convoqué
Sur une autre frontière.
Pour tuer cette fois des hommes. Et la guerre,
Approchant à grands pas des quartiers élégants,
Les maîtres de mon chat durent fuir sans leurs gants,
En un quart d'heure, sur les routes incertaines.
Dans l'impérieux souci de sauver leur bedaine
Ils oublièrent tout, les bonnes et le chat.
Les bonnes changèrent d'état.
Loin de Madame, violées par des militaires,
Elles si réservées, elles se révélèrent
Putains de beaucoup de talent.
Leur train de vie devint tout à coup opulent
Et elles prirent une bonne.
Après un temps de désarroi,
Le chat, devenu chat, comprit qu'il était roi;
Que la faim est divine et que la lutte est bonne.
D'un oeil blanc, d'une oreille arrachée aux combats
Dont il sorti vainqueur contre les autres chats,
Il paya ses amours royales sous la lune.
Sans régime et sans soin, ne mangeant que du rat
Il perdit son poil angora
Qui ne tenait qu'à sa fortune
Et auquel il ne tenait pas;
Il y gagna la mine altière
Et l'orgueil des chats de gouttière,
Et bénit à jamais la guerre
Qui offre aux chats maigris des chattes et des rats.

Jamais ce que l'on vous donne
Ne vaudra ce que l'on prend
Avec sa griffe et sa dent.
La vie ne donne à personne.

Jean Anouilh, Fables